Qui :
Date de fin de projet :
2020
Responsable(s) scientifique(s) :
Sylvain Pellerin (INRAE) , Laure Bamière (INRAE), Olivier Rechauchere (INRAE)
Description du projet :
L’initiative "4 ‰ sur les sols pour la sécurité alimentaire et le climat", lancée par la France à l’occasion de la Conférence de Paris sur le climat (COP-21), propose d’augmenter chaque année d’un quatre millième le stock de carbone présent dans tous les sols du monde pour compenser toutes les émissions de CO2 anthropiques. Ce chiffre résulte d’un calcul initial simple, considérant que l’ensemble des émissions annuelles de CO2 dues aux activités humaines représente actuellement, au niveau mondial, l’équivalent d’un quatre millième du stock de carbone (C) des sols de la planète (environ 2 400 gigatonnes de C). Un stockage annuel de 4 pour 1000 (4‰) sur toute la profondeur du sol compenserait alors l’ensemble de ces émissions. Cet objectif initial a été corrigé ultérieurement en considérant une cible de stockage annuel de 4‰ sur le seul horizon de surface (0-30 cm) des sols mondiaux. L’objectif, très ambitieux, nécessite des évolutions profondes des pratiques agricoles et des modes de gestion sylvicole, voire des modifications des modes d’occupation des sols et des systèmes de production. Un programme national de recherche a été lancé dans le cadre de cette initiative. Les résultats présentés ici, concernent le volet changement de pratiques dans les systèmes grandes cultures. La description complète du projet et des résultats est accessible à l’adresse https://www.inrae.fr/actualites/stocker-4-1-000-carbone-sols-potentiel-france
Objectifs :
Il s’agit d’évaluer le stockage additionnel de carbone lié à l’adoption de différentes pratiques agricoles en utilisant la simulation informatique. Cette évaluation est faite sur les 30 premiers cm de sol. L’étude a permis de comparer : la situation actuelle (Ligne de base) à 3 scénarios faisant intervenir des évolutions de pratiques agricoles, susceptibles de contribuer au stockage de C dans les sols, et donc de contribuer à l’atténuation du CC :
- Ligne de base : Le dispositif de simulation est d'abord utilisé pour simuler les "systèmes actuels", c'est-à-dire les systèmes de cultures conduits avec les pratiques dominantes actuelles. Huit cultures (blé tendre, tournesol, colza, maïs grain, maïs fourrage, betterave sucrière, pois de printemps, pois d’hiver), deux types de prairies temporaires (luzerne, prairie de graminées) ont été simulées. Les espèces de grandes cultures non simulées par STICS ont été appariées à des espèces simulées.
- Extension des cultures intermédiaires : Compte-tenu du fait que les cultures intermédiaires (CI) sont déjà très présentes en France, le scénario simulé est basé sur l’hypothèse que les CI déjà en place sont allongées, de 2 semaines à 1 mois dans le Nord-Ouest, jusqu’à 4 mois par exemple dans le Nord. Dans le Bassin Parisien, en Poitou Charentes, en Champagne-Ardenne et dans le Sud-Est, le scénario valorise les intercultures d’été entre les cultures d’hiver pour introduire des CI supplémentaires. Ailleurs, ce sont principalement des féveroles en Alsace et dans le Sud-Ouest qui sont insérées dans des systèmes très axés sur le maïs grain.
- Mobilisation de nouvelles ressources organiques : Ces nouvelles ressources organiques concernent les déchets alimentaires et les déchets verts dont on augmente la collecte à hauteur de 50% et 35% des ressources, respectivement. Elles sont compostées ou méthanisées selon la disponibilité de déchets verts pour le compostage. Ces ressources ne sont épandues que sur les systèmes de culture ne recevant aucune fertilisation organique actuellement, et le sont sous forme de compost en fin d’été avant blé ou colza, ou de digestat brut au printemps avant maïs ou tournesol. Une dose moyenne par hectare de 15 t de matière brute de compost et de 25 m3 de matière brute de digestat est retenue afin de ne pas dépasser les plafonds réglementaires d'apports d'azote dans les zones vulnérables. Aucune contrainte en termes de qualité des sols n’a été fixée. Avec ces hypothèses sur la quantité de ressources disponibles, les surfaces épandables et la dose des apports, ce scénario est applicable sur 7% de la surface en grandes cultures et prairies temporaires simulée.
- Extension des prairies temporaires : Le développement des prairies temporaires proposé comporte deux scénarios. Le scénario "Allongement des prairies" consiste à augmenter à 3 années la durée des prairies de 2 ans, et à 5 années celle des prairies de 3 et 4 ans. Comme il ne concerne que les surfaces comportant déjà des prairies temporaires, son assiette est limitée au quart nord-ouest de la France et aux zones d’élevage du sud ; 89% des surfaces simulées de séquences mixtes sont éligibles à cet allongement. Le scénario "Insertion de prairies temporaires" consiste à remplacer une ou deux cultures de maïs fourrage par 3 années de prairie temporaire ; son assiette est encore plus réduite car elle est restreinte aux UPC des cantons où le maïs fourrage est présent; seulement 8% des surfaces simulées de séquences de grandes cultures pures sont ainsi éligibles.
Région géographique :
France métropolitaine– Restreinte aux zones de grandes cultures
Temporalité :
Les simulations ont été réalisées sur 30 années pour tenir compte du temps de réponse du stockage de C aux pratiques mises en œuvre et de la variabilité climatique interannuelle. Chaque scenario a été simulé deux fois, en utilisant des données climatiques historiques pour la période 1983-2013, (données DRIAS, Météo France) et en utilisant des données de projection climatique pour un scénario RCP8.5 sur la période 2030-2060. Ces données sont les données DRIAS produites par Météo France.
Méthodologie :
La France a été découpée spatialement en mailles (taille infra 8km*8km), sur lesquelles l’évolution du taux de carbone du sol a été simulée sur une période de 30 ans. Pour cela, le modèle de culture STICS et différents jeux de données caractérisant le sol, le climat, l’occupation du sol (type de culture) et les pratiques culturales (dates de semis, fertilisation …) de chaque culture ont été utilisés. Chaque maille a ainsi été caractérisée avec ces données. La simulation des scénarios a été faite pour deux situations climatiques : historique (années 1983-2013) et scénario RCP8.5 (années 2030-2060)
Bibliographie :
Pellerin S. et al. 2019. Stocker du carbone dans les sols français, Quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1000 et à quel coût ? Synthèse du rapport d'étude, INRA (France), 114 p. https://dx.doi.org/10.15454/1.5433098269609653E12
Launay C., Constantin J., Houot S., Martin R., Pellerin S., Therond O., 2021. Estimating the carbon storage potential and greenhouse gas emissions of French arable cropland using high-resolution modeling. Global Change Biology. https://doi.org/10.1111/gcb.15512
Martin M., Dimassi B., Roman Dobarco M., Guenet B., Arrouays D., Angers D.A., Soussana J.F., Pellerin S. 2021. Feasibility of the 4 per 1000 aspirational target for soil carbon. A case study for France. Global Change Biology, accepted https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/gcb.15547 https://doi.org/10.1111/gcb.15547
Basile-Doelsch I., Balesdent J., Pellerin S. 2020. Reviews and syntheses: The mechanisms underlying carbon storage in soil. Biogeosciences, 17, 5223–5242. https://doi.org/10.5194/bg-2020-49
Mathias Mayer, Cindy E. Prescott, Wafa E.A. Abaker, Laurent Augusto, Lauric Cécillon, Gabriel W.D. Ferreira, et al., 2020. Tamm Review: Influence of forest management activities on soil organic carbon stocks: A knowledge synthesis. Forest Ecology and Management, Volume 466, 2020, 118127, https://doi.org/10.1016/j.foreco.2020.118127
Pour aller plus loin :
- Stocker 4 pour 1 000 de carbone dans les sols : le potentiel en France
- Modèle de culture STICS